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Que se passe-t-il dans la tête du spectateur ?

Que se passe-t-il dans la tête du spectateur ?

Billets critiques sur le spectacle vivant & interviews


15 %

Publié par Roland Tarte sur 10 Février 2014, 20:49pm

Catégories : #Création 2012, #théâtre contemporain, #Théâtre & Réflexion, #*, #Les contributions de Roland Tarte

15 %

Conception et mise en scène : Bruno Meyssat – photo : Michel Cavalca -- Vu le 6/02/2014 à l’Hexagone – Meylan

 

Quand les financiers sniffent de la folie en poudre

 

Devant un spectacle qui dépasse l'entendement, une des parades du spectateur pour gérer la tension est de rire un bon coup : ça dégonfle, ça dédramatise. Je me suis donc bien marré tout du long, mais c’est aussi parce que les lycéens autour de moi enchaînaient les conneries. Pourtant, soyons clair : 15 % ce n’est pas a priori la grosse poilade. Les profanes dans la salle semblaient ne plus trouver de fin à leur effarement, tandis que sur la scène silencieuse, des psychotiques s’amusaient avec une tronçonneuse.


   J’étais à chaque moment curieux de ce qu’il allait advenir. Je me demandais quelles nouvelles trouvailles on allait nous montrer. Je vais tenter l'impossible et essayer de vous décrire la chose... Les comédiens enchaînent, parfois seul, souvent à plusieurs, comme des sortes de petites scènes dans lesquelles ils… font des trucs à l’aide d’accessoires divers: ils brandissent des totems, se menacent à la tronçonneuse, tondent du papier puis le mâchent, agitent des tentes en se planquant dedans, retirent de la poussière au sol avec des bandes de scotches, ou délimitent une mini prison avec des plots oranges sur le sol… et j’en passe. Entre ces espèces de jeux, le public entend des textes traitant de la crise et plus précisément, de la finance et ses spéculateurs aux USA. Personnellement, je n’ai pas été particulièrement touché et je n’ai pas compris grand-chose.Impression manifestement partagée par la vingtaine de personnes qui ont fui avant la fin, furax. Face à l’opacité du spectacle, ils n’en pouvaient plus de ne rien piger, de n’avoir aucune prise, de ne voir aucune indication.
   Sapés comme des businessmen, les comédiens ont entre eux deux types de rapports : confrontation et domination. Comme des animaux, ils se jaugent, beuglent, s’affrontent. La pièce respire la violence, une violence aveugle, sourde et désespérée. Les gestes des acteurs sont précis comme ceux d’un rituel. J’imagine qu’un homme d’affaire, rendu fou par le stress, la concurrence et son statut d’oppresseur, doit avoir des délires semblables quand il fait des crises. A défaut d’histoire, il y a ici une atmosphère et disons une couleur. Noire.


Des explications dans la notice ?

   A l’issue du spectacle, Bruno Meyssat a expliqué sa façon de travailler : Il s’empare d’un thème – en l’occurrence la finance - et il se documente. Puis, lui et son équipe improvisent autour du thème, en cherchant des actions à faire avec des objets. Il s’agit d’exprimer, dans l’acte, les « couches subconscientes des évènements réels» : l’imagination des acteurs fait les associations qu’elle veut, entre la réalité du sujet et des élucubrations sur le plateau. Meyssat référence les meilleures improvisations, il les agence, et le spectacle existe. Ce qui permet de poser les choses clairement : il ne faut pas venir voir 15 % dans le but de comprendre quelque chose. Par exemple : comment marche la spéculation ? Ou pourquoi le spectacle s’appelle 15% ? Meyssat et ses comparses ne prétendent pas faire de la pédagogie. Et vous allez devenir cinglés si vous essayez de débusquer, derrière chaque mouvement bizarre, le sens que les acteurs veulent y porter. C’est aussi vain que de vouloir décrypter un spectacle de danse : on peut se casser les dents à vouloir saisir ce que chaque élément signifie.
   Nous devrions, dans la logique du metteur en scène, accomplir une double démarche : d’une part abandonner l’idée de saisir clairement un sens préétabli, et de l’autre, projeter notre propre imaginaire dans les images du plateau. Il faut que nous produisions le sens nous-mêmes, sens qui variera d’un individu à l’autre, sens qui n’est pas unique. Le spectacle ouvre les interprétations mais n’en pose pas. On pourrait dire qu’il propose des divagations autour d’un univers. Une proposition plombante dans laquelle il n’est pas évident de pénétrer.

Roland Tarte

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