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Que se passe-t-il dans la tête du spectateur ?

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Billets critiques sur le spectacle vivant & interviews


Novecento

Publié par Julie Madon sur 27 Février 2015, 09:38am

Catégories : #Seul en scène

Novecento

Adaptation d’André Dussollier et Gérald Sibleyras -- d'après Novecento d’Alessandro Baricco -- mise en scène André Dussollier, Pierre-François Limbosch – photo : Christian Ganet – illustration : Stéphane Trapier -- vu le 25 février 2015 au théâtre Sorano – Toulouse

Embarquement pour un récit jazzy

 

    Novecento, c’est le portrait d’un pianiste né sur un bateau et jamais descendu. C’est l’histoire à la première personne, semblable à une nouvelle de Zweig, d’un artiste incapable d’affronter le trop-plein du monde. Ce texte écrit par Alessandro Baricco en 1994, André Dussolier espérait le jouer depuis qu’il l’avait lu. Le comédien s’accompagne d’une poignée de musiciens pour nous y emporter au rythme des remous.

    La salle est comble pour accueillir le tsar. Soudain le noir, les blabla qui se transforment en chuchotements. Dussolier entre en scène, sourire figé et voix légèrement nasillarde comme à son habitude, heureux d’être là. Ici, à la différence des rôles plus effacés et posés qu’il adopte souvent (On connaît la chansonMon petit doigt m’a dit...), il est seul maître à bord, capitaine du navire dont il esquisse les contours au fur et à mesure. En forme, il est partout, bondit, danse, fait virevolter sa voix pour nous atteindre nous, du haut de notre paradis. Le texte vivant dégouline de sa bouche comme un flot continu, bifurque, s’arrête jusqu’au souffle coupé ; puis recommence plus vif encore. Il a mangé le texte et s’avance, discutant avec nonchalance devant un public conquis. Et partant il change encore de rythme, se métamorphose, tantôt en capitaine, tantôt en grosse dame ébahie, chef d’orchestre de son monologue superbe dont il mime les personnages. Au détour d’une description, le texte enchaîne une série de jeux de mots autour de la navigation, rapidement accompagné du public hilare. Dussolier s’éclate.

Novecento

   Régulièrement c’est le jazz band dans le coin qui apparaît sans crier gare, piano batterie trompette contrebasse, prenant le relais de la parole, et l’esprit s’évade alors en dévalant les rythmes du ragtime ou des quelques notes d’un Bach revisité, le swing et les accords dissonants nous enveloppant dans un imaginaire lointain. La musique se mêle au texte, et quand le narrateur raconte les vagues de l’océan, le piano s’éveille en crescendo, accélère et s’emporte, se calme et recommence, suivant les lignes courbes que dessine la tempête contre les flancs du bateau qui tangue. Les grandes envolées de jazz endiablé s’alternent avec des moments plus calmes et mélancoliques — des moments de rêverie flottante, de latence où le public ne pense plus à rien, et parait simplement plongé dans l’écoute.

   Fin du récit. La scène se calme et c’est au tour de la salle de s’éveiller. Entre enthousiasme hystérique et appréciations modérées, on s’étonne, c’est déjà fini. Dussolier et les musiciens contemplent leur public, illuminés, les yeux brillants. Ils ont gagné.

Julie Madon

 

Calendrier des représentations: voir ici

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B
Happé par l'histoire et bercé par la musique, c'est un grand moment de bonheur d'accompagner André Dussolier et ses musiciens dans cette étonnante croisière. Ils prennent beaucoup de plaisir à nous embarquer avec eux et cela fonctionne si bien qu'on a finalement du mal à quitter ce charmant équipage.
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