Texte Fabrice Melquiot - Conception, musique et mise en scène Roland Auzet -- Vu le 15 février à l’Hexagone- scène nationale de Meylan
huis clos numérique
« Aucun homme n’est une île » est à la base un poème de John Donne écrit en 1624 (voir encart citation à la suite de l’article). Dans le cas présent, c’est un spectacle qui a pour intention d’évoquer les dangers de l’addiction au monde virtuel. Si l’ambition affichée est on ne peut plus louable et pertinente à une époque sur-informatisée, le scénario est quant à lui beaucoup moins convaincant.
Ce qui est d’emblée remarquable dans ce spectacle concerne les moyens investis dans la scénographie, on ne peut plus impressionnante puisqu’on est face à un déluge d’effets spéciaux, qui semblent d’ailleurs tout à fait en accord avec le thème. Face à ce gros déballage « technologique », le jeu du comédien n’est pas en reste : Julien Romelard, jeune comédien tout à fait crédible, incarne un garçon manifestement sclérosé, totalement absorbé qu’il est par la relation qu’il cultive, ou du moins essaie de cultiver, avec Oscar, personnage de réalité virtuelle qui l’accompagne quasiment tout au long du spectacle.
Salle d’attente pour un couperet
Or si la caractérisation de ce garçon semble tout à fait convaincante par les propos qu’il tient, ses aspirations ou ses entêtements, le scénario ne va pas plus loin que la situation de ce petit garçon qui s’ennuie à interpeller sans cesse un personnage virtuel, qui ne lui répond d’ailleurs même pas. L’ennui auquel nous assistons devient alors très vite le nôtre, et les quinze dernières minutes, au cours desquelles il se passe enfin quelque chose, ne parviennent pas à rétablir la balance. C’est même dommage car la morale qui intervient à la fin est ainsi livrée de façon abrupte, elle tombe comme un couperet. On a alors beau comprendre la mise en garde de Fabrice Melquiot, on n’est plus en mesure de l’apprécier tant le développement propre aux contes réussis est absent de ce spectacle.
Aucun homme n’est une île, un tout, complet en soi ; tout homme est un fragment du continent, une partie de l’ensemble ; si la mer emporte une motte de terre, l’Europe en est amoindrie, comme si les flots avaient emporté un promontoire, le manoir de tes amis ou le tien ; la mort de tout homme me diminue, parce que j’appartiens au genre humain ; aussi n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas : c’est pour toi qu’il sonne.