Texte : Harold Pinter -- Mise en scène de Daniel Mesguich, assisté de Sarah Gabrielle. Compagnie MIROIR ET METAPHORE. Interprétation : Eric Verdin, Daniel Mesguich, Sterenn Guirriec, Alexandre Ruby
Trahisons & subtilité du mode opératoire
Si l’adultère est un sujet bateau dans la littérature romanesque ou théâtrale, les textes qui savent en explorer les ressorts sont déjà moins nombreux. Tel ce Trahisons d’Harold Pinter, très adroitement mis en scène par Daniel Mesguich.
Ils sont donc trois…deux éditeurs à succès, Jerry et Robert, unis par une grande amitié et une grande trahison : un adultère entre Emma, épouse de Robert. La pièce commence sur un rendez-vous très guindé entre les deux ex-amants. Voilà deux ans qu’ils ont interrompu une liaison qui a préalablement duré sept ans. Au fil d’une discussion mal aisée, tous deux oscillent entre le désir de reprendre là où ils avaient arrêté et l’envie de tourner la page une bonne fois pour toutes. Et puis Jerry apprend qu’Emma avait vendu la mèche à son mari: coup de tonnerre pour Jerry qui ne supporte pas l’idée que son ami soit au courant de la trahison et va même jusqu’à se sentir à son tour trompé par celui qui savait mais ne disait rien…
Partant de cette situation délicieusement délicate, Harold Pinter déploie neuf scènes pour remonter la chronologie de l’adultère jusqu’à l’étincelle initiale, et opérer un subtil croisement entre l’exploration du rapport amoureux et l’interdiction qu’il transgresse grâce au secret, sans oublier de montrer le « glissement incessant et fatal du mensonge vers la sincérité », comme l’explique si bien le metteur en scène dans sa note d’intention : « […] pas une réplique, aussi insignifiante puisse-t-elle paraître au premier abord, n’est pas le rouage le plus nécessaire à la mécanique inéluctable du dévoilement. »
Sur le plateau, jeu et mise en scène sont au diapason de cette écriture méticuleuse. Dans la première scène, l’éclairage en clair obscur épouse la psychologie des personnages, laissant apparaître dans l’ombre celui qui se tait autant qu’il sait, tandis qu’il s’affaisse lorsque la conversation d’Emma et Jerry bute contre un malentendu. Au fil des tableaux suivants, c’est au tour de la scénographie de se plier aux subtilités du texte, naviguant entre le formalisme et l’onirisme pour mieux montrer l’entremêlement des consciences qui mentent à celles qui savent déjà. Du théâtre psychologique en somme, qui exige une restitution sans la moindre fausse note pour pouvoir emporter le spectateur dans les méandres des consciences… rien à redire donc dans cette mise en scène très maîtrisée, pour ne pas dire virtuose.
Avignon OFF 2014
du 5 au 27 juillet - 18h15 au Théâtre du Chêne Noir
Ci-dessous, lien critique vers une autre mise en scène sur un texte du même auteur
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Le Retour - dans la tête du spectateur: au festival d'Avignon durant tout le OFF !
Texte de Harold Pinter -- Mise en scène de Luc Bondy -- Vu le 5/04/13 à la MC2 Grenoble -- photo : Ruth Walz Harold Pinter est de ces auteurs nobélisés qui ne font pas forcément l'unanimité. ...