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Texte d’Ödön von Horváth - Traduction de René Zahnd et d’Hélène Mauler - Mise en scène de Jacques Osinski - photo : Jun Takagi -- Vu le 17/01/14 à la MC2 Grenoble
Apparu sous la plume de Tirso de Molina en 1630, Don Juan est un séducteur Meetic mythique qui aura inspiré bien des auteurs dans différents genres, du livret d’opéra (Don Giovani) à la prose de Mérimée en passant par le théâtre de Molière. Pas la place de tous les citer ici, mais le lien encyclopédique en fin d’article devrait vous satisfaire, même si la pièce d’Ödön von Horváth n’y figure pas. Heureusement que Danslateteduspectateur est là, pas vrai ?
Le feuillet de présentation semble vanter la « lucidité acide » de cette pièce au regard de l’époque qui l’a vu naître (Allemagne 1935) puisqu’on peut y lire : « le dramaturge, classé par les nazis parmi les "auteurs dégénérés", décrit un monde qui a tourné, une époque où l’argent se fait roi et où chacun se cherche sans se trouver ». Soit. Mais passé ce contexte historique, que retenir de la pièce aujourd’hui ? D’autant que l’argent est roi depuis belle lurette en ce bas monde.
Le Don Juan d’Ödön von Horváth se distingue assurément par l’apathie qui frappe son personnage principal et le mode narratif qui le voit évoluer. C’est en effet une succession de tableaux que traverse ce Don Juan meurtri par la guerre. Une vingtaine de scènes qui s’enchaînent sans lien apparent entre elles, laissant le soin au spectateur d’assembler les morceaux au fil d’un récit qui dévoile donc sa logique peu à peu. Cette écriture fragmentée est un parti pris qui peut en déstabiliser plus d’un, mais qui a le mérite d’être plutôt originale sur un plateau de théâtre. Ce procédé semble par ailleurs accélérer le temps, dans la mesure où on ne voit pas vraiment passer les deux heures que dure la pièce alors que le plateau supporte l’apathie très pesante de Don Juan.
Le personnage traîne en effet sa silhouette comme un boulet et semble à deux doigts de la syncope à chaque phrase qu’il doit prononcer. C’est ainsi que Don Juan ne s’exprime que sous la contrainte de l’interaction sociale (la scène où il se fait draguer est très parlante à ce sujet là) et écrit d’ailleurs bien plus volontiers des lettres, toutes adressées à une femme qui est la seule élue de son cœur. Très différent du personnage habituellement connu, donc.
Les personnages féminins sont heureusement là pour apporter un peu d’animation, mais en dehors des passages mettant en scène une vieille dame tout droit sortie d’une farce, un couple de lesbiennes (par dépit semble-t-il) ou encore une satire sur les mondanités bourgeoises, on ne peut pas dire que la pièce soit très vivante… et on ne sait trop quelle morale en tirer, si ce n’est que tromper ou être trompé conduit tout droit au malheur.
Représentations : Jusqu’au 1er février 2014 à la MC2 Grenoble
Encyclopédie de L'Agora | Don Juan
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